Communiqués du collectif national de l'action culturelle et cinématographique

26 février 2008, Lettre ouverte à Alain Terzian, Président de l'Académie des César

« Le spectacle doit continuer… »

lettre ouverte à Monsieur Alain Terzian,
Président de l’Académie des César




Monsieur le Président,

Par votre courrier à la SRF en date du 22 février dernier, vous avez répondu par la négative à la proposition de lecture par le cinéaste Eric Guirado d’un court texte écrit, à l’occasion de la cérémonie des César, par le Collectif national de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle*. Au-delà du fait que nous nous étonnons que vous n’ayez pas jugé utile de répondre directement au collectif qui vous sollicitait mais à un de ses membres, comme si le rassemblement inédit de plus de 300 structures dévouées à la diversité du cinéma sur tout le territoire national n’avait à vos yeux aucune importance ou légitimité, nous regrettons profondément cette fin de non-recevoir.

Après plusieurs mois d’une mobilisation inédite consécutive aux menaces de baisse de soutien de l’État aux différents acteurs de la diffusion culturelle du cinéma, et alors que se structure un mouvement sans précédent en faveur du maintien d’une politique favorisant la diversité et l’action culturelle cinématographique, dont la mobilisation dans plus de 200 salles vendredi dernier constituait le point d’orgue inédit dans les annales des César, comment interpréter le refus d’une simple parole sur des inquiétudes qui, malheureusement, sont aussi la réalité du cinéma français aujourd’hui ?

Dans votre réponse, vous expliquiez n’avoir pas souhaité « que l’académie ait à substituer quiconque aux artistes et aux techniciens qui monteront sur scène… ».

Ce « quiconque », dont on appréciera au passage la précision du terme, est le fait de plus de 300 structures ou associations locales, départementales, régionales ou nationales, signataires du manifeste contre le démantèlement de la diversité culturelle cinématographique et audiovisuelle ; à cela se rajoute près d’un millier d’individus, réalisateurs, artistes, intellectuels, enseignants investis dans d’éducation à l’image et la formation des publics, en particulier le « jeune public », mais aussi artistes, techniciens et producteurs, tous investis au quotidien dans la défense et la diffusion d’un cinéma inventif et singulier. Cinéma souvent distingué par les membres de l’académie au cours de ces dernières années.

Vous précisiez dans votre courrier que les récompensés «disposent d’une liberté de parole absolue, sur tous les sujets, en particulier ceux qui concernent leurs métiers. Nous en faisons un point d’honneur, en particulier vis-à-vis de Canal +, diffuseur de la cérémonie, qui a parfaitement compris notre exigence et nous en garantit le respect ». Vous conviendrez avec nous que cette affirmation est pour le moins fragilisée par l’amputation significative du texte de Mathieu Amalric. Comment justifier que les différentes motivations «techniques» invoquées depuis aient malencontreusement porté sur la partie la plus engagée de son texte qui rejoignait nos préoccupations ? Hasard ou coïncidence ?

Heureusement que dans le silence – et il est des silences assourdissants - bien orchestré de cette soirée, Mademoiselle Jeanne Moreau a su dans sa belle improvisation trouver les mots justes : « Je voudrais profiter de cet instant pour vous dire que ce qui m’inquiète beaucoup, c’est que certaines mesures gouvernementales risquent de nous affaiblir parce que les subventions diminuent de plus en plus pour des festivals, pour des cinémas indépendants, des cinémas de proximité dont certains sont attaqués par des groupes puissants comme provoquant une concurrence déloyale. Et je n’aimerais pas qu’on touche à l’exception culturelle française (…). »

Relayant avec conviction et ferveur nos inquiétudes, elle a au passage rendu service à l’Académie en évitant à la cérémonie de sombrer dans l’autisme absolu. Et nous ne pouvons que saluer son beau geste de transmission de son «super César d’honneur» aux membres de l’équipe du premier film la Naissance des pieuvres. Il y a quelques années c’est à Abdellatif Kechiche qu’elle aurait pu le remettre de la même manière, à un moment où il réalisait son premier film la Faute à Voltaire, avec des mesures d’accompagnement pour sa production et sa diffusion que nous défendons et qui lui ont permis une reconnaissance et la possibilité de réaliser ensuite l’Esquive puis la Graine et le mulet, aujourd’hui récompensé, à notre plus grande joie, par le César du meilleur film.

Soucieux de dépasser de manière constructive cette incompréhension que nous espérons momentanée, nous serions très heureux de pouvoir rencontrer prochainement les membres du bureau de l’Académie et revenir avec eux sur ce maillage patiemment construit que nous représentons et dont la pérennité est essentielle à la diversité comme au renouvellement du cinéma français, donc aux César.

Dans l’attente, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, nos plus sincères salutations,

Paris, le 26 février 2008
Collectif national pour l'action culturelle
cinématographique et audiovisuelle



*texte co-signé avec l’AFCAE et le SCARE


Copie à Canal +


Pétition nationale et actualité du mouvement disponible sur :
www.cinema-diversite-culturelle.blogspot.com




Visuel d'après Strand0112070010 de Birgit Speulman